
« Il y a un afflux de migrants à Menton parce que Madame Meloni, choisie par les amis de Madame Le Pen, est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue », a déclaré Gérald Darmanin, jeudi dernier, dans l’émission « Les Grandes Gueules ». Un cadre parfaitement adapté au personnage qui se trouve être plus fort en gueule que fort en actes, au vu du chaos sécuritaire qui règne en France.
Les « événements » du Stade de France ? La faute aux Anglais ! La déferlante migratoire ? La faute à l’Italie ! Il est vrai que le ministre de l’Intérieur sait y faire. Avec Emmanuel Macron, il est à bonne école. Quoi de mieux que quelques petites phrases polémiques pour agiter la sphère médiatique et échapper ainsi à ses propres responsabilités ? Au prix d’une nouvelle crise diplomatique, comme le rappelle Marc Baudriller dans Boulevard Volatire.
L’Italie est en grande difficulté, c’est un fait. Depuis le début de l’année, plus de 42.000 migrants ont débarqué sur ses côtes, soit quatre fois plus que sur toute l’année 2022. Un rythme insoutenable accéléré par la crise politique et économique en Tunisie. Et l’occasion, pour les détracteurs de Giorgia Meloni, de rappeler sa promesse de campagne non tenue d’établir un blocus naval en Méditerranée afin d’empêcher l’arrivée illégale des bateaux de migrants. Une mesure qui devait être accompagnée par le développement de « hot spots » (centres d’identification des migrants) en territoire africain.
À l’inverse, le gouvernement italien a récemment décrété l’état d’urgence et se voit contraint d’organiser la répartition des migrants dans le pays afin de désengorger le centre d’accueil de l’île de Lampedusa. Il est vrai qu’entre-temps, le naufrage, en février dernier, d’une embarcation non loin de la ville italienne de Crotone, en Calabre, qui a coûté la vie à 94 migrants, a été l’occasion, pour les opposants de Giorgia Meloni, de dénoncer sa politique de fermeté à l’égard des navires de sauvetage des ONG. Il est « criminel de mettre en mer une embarcation de 20 mètres à peine avec 200 personnes à bord et une mauvaise prévision météo », avait rétorqué, à l’époque, le président du Conseil italien. Pour autant, cette tragédie et son instrumentalisation médiatique n’ont fait que réduire ses marges de manœuvre.
Il est bien entendu facile de s’en prendre à Giorgia Meloni comme le fait Gérald Darmanin, qui voudrait nous faire croire que le problème peut se régler au niveau de la seule Italie. Dans la Repubblica, le 13 avril dernier, Marine Le Pen avait elle aussi la dent dure. « Sur l’immigration, le nouveau gouvernement italien n’a pas proposé de vraies solutions. Meloni n’est pas ma sœur jumelle. Je veux me donner les outils d’une politique dissuasive en matière d’immigration, en faisant passer par référendum une réforme constitutionnelle qui soumet l’aide sociale non contributive à un certain nombre de critères, en réservant les allocations familiales aux Français, en supprimant le ius soli », déclarait l’ancienne présidente du RN.
Toute la question étant alors de savoir si une politique nationale non soutenue au niveau communautaire a la possibilité d’obtenir les résultats escomptés. En réalité, on peut penser que sans une politique européenne cohérente et déterminée, la situation ne fera que s’aggraver alors que Giorgia Meloni annonce l’arrivée potentielle, cette année, de 900.000 migrants en provenance de Tunisie. Ce qui supposerait cependant une véritable révolution copernicienne car, pour le moment, c’est surtout une orientation multiculturaliste et pro-immigration qui domine à Bruxelles.
Or, c’est sans doute ici que la droite nationale française devrait méditer attentivement à la fois les succès et les échecs de Giorgia Meloni. Dans Le Figaro du 1er mai dernier, Éric Zemmour, Marion Maréchal et plusieurs membres de Reconquête cosignaient une tribune appelant les « droites françaises » à s’inspirer des stratégies d’union mises en place par d’autres droites européennes, et notamment les droites italiennes, pour conquérir le pouvoir.
La coalition de Fratelli d’Italia, de La Lega et de Forza Italia, sous la conduite de Giorgia Meloni, a en effet gagné les élections. Cependant, ce que nous observons, c’est qu’il ne suffit pas d’obtenir le pouvoir, encore faut-il pouvoir l’exercer dans des conditions permettant de mettre en œuvre le programme pour lequel on a été élu. Ce qui veut dire, dans un contexte de transfert massif de souveraineté, d’endettement et d’affaiblissement des États-nations, d’arriver à inverser le rapport de force au niveau de l’Union européenne.
Il faut en effet se souvenir que quelques jours avant les élections italiennes, en septembre dernier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait très clairement menacé par avance de sanctions la coalition emmenée par Giorgia Meloni si celle-ci accédait au pouvoir et n’allait pas, par la suite, dans la bonne direction. La Hongrie de Viktor Orbán peut en effet témoigner de ce qu’il en coûte de ne pas suivre la doxa bruxelloise progressiste en matière d’immigration et sur le terrain sociétal.
Giorgia Meloni fait sans doute face à un échec, mais son échec est celui de toute l’Europe. Pour que les choses changent, on peut alors douter de la stratégie du cavalier seul. Sans une coalition des droites nationales et conservatrices européennes qui modifie en profondeur l’orientation idéologique et la politique de l’Union européenne, ce ne sont pas des vagues migratoires que nous allons continuer à subir dans les années qui viennent, mais probablement un véritable tsunami.
Frédéric LASSEZ