Il voudrait tant retrouver un premier rôle, occuper à nouveau le devant de la scène internationale. Les Gaulois réfractaires ne le comprennent pas ? Peu importe, le reste du monde finira par reconnaître sa vraie valeur. Emmanuel Macron n’en a jamais douté, il est né pour accomplir de grands desseins.

En visite d’État aux États-Unis en décembre dernier, il n’avait rien obtenu de Joe Biden concernant les mesures protectionnistes américaines qui menacent les industries européennes. « Emmanuel Macron rentre bredouille, notait Le Monde, à son retour. Mais l’Élysée veut croire que la voix de la France pèse. »

C’était ça, l’idée : faire entendre sa voix, attirer l’attention des médias. Pour cela, le Président français avait un plan : « Dans son rôle de leader international, le chef de l’État tente de se faire l’artisan de la paix en Europe », ajoutait le journal. Un rôle enfin à sa mesure. Sarkozy avait bien remporté une victoire diplomatique en arrachant un accord de paix à la Russie et à la Géorgie, en 2008. Emmanuel Macron, lui, allait être celui qui ramènerait la paix en Europe et éviterait ainsi une Troisième Guerre mondiale. Assez pour entrer dans l’Histoire ou, pourquoi pas, se voir décerner le prix Nobel.

Mais pour cela, il ne suffisait pas de parler à Joe Biden. Il fallait aussi parler à Poutine, comme au bon vieux temps. Or, leur dernier entretien officiel datait de plusieurs mois. Depuis, le Kremlin ne répondait plus. La faute en revenait à Macron, qui n’avait pas résisté à la tentation de commettre une transgression diplomatique majeure afin de faire parler de lui. Dans la presse russe, on rappelait en effet que la rupture du dialogue avec Paris était liée à la perte de confiance de Vladimir Poutine en son interlocuteur élyséen après que celui-ci, sans le prévenir, avait rendu publique leur conversation téléphonique à l’occasion d’un documentaire de France 2 diffusé au cours de l’été 2022. Un manquement à tous les usages.

Faute de pouvoir échanger avec le président russe, la séquence « artisan de la paix » du mois de décembre avait donc été mise de côté pour plus tard. L’escalade militaire s’était donc poursuivie à un rythme régulier. Au mois de janvier, dans Le Figaro, Isabelle Lasserre continuait pourtant à s’agacer : « Paris pense encore pouvoir être une puissance « médiatrice » entre les deux parties, une puissance « d’équilibre » entre les grands de ce monde. » Il était temps que la France rentre définitivement dans le rang atlantiste et que Macron cesse de tergiverser avec ses incessantes danses à contre-pied. Il était néanmoins à moitié pardonné, ayant réussi le coup médiatique de franchir le premier une nouvelle marche de l’escalade réclamée par Kiev en promettant la livraison de chars légers AMX. Macron, « chef de guerre », montrait le chemin de la victoire.

Comment, cependant, reprendre la main, le moment venu ? Le Président français est trop intelligent pour ne pas comprendre que l’Ukraine, comme la Russie, finira bien, de gré ou de force, par devoir négocier. L’intrusion de Xi Jinping dans le grand jeu ukrainien avec son plan de paix est alors sans doute apparue à Emmanuel Macron à la fois comme un problème et comme une chance. Pas question de laisser les Chinois rafler la mise mais, puisque la porte s’était refermée à Moscou, pourquoi ne pas se précipiter devant celle qui s’ouvrait à Pékin ? Avec Ursula von der Leyen dans ses bagages, c’était l’occasion de rejouer la carte du leader de l’Europe qui va faire le lien entre toutes les parties au conflit. Et il est vrai qu’à observer ce bel attelage franco-bruxellois, on ne doute pas du succès de l’entreprise.

Du côté d’Emmanuel Macron, on peut être sûr de sa capacité à rester dans l’ambiguïté la plus complète. Jusqu’à présent, il n’a d’ailleurs proposé aucun plan de paix français mais a indiqué soutenir celui de Kiev, qui est plutôt un plan pour s’assurer que la guerre va se poursuivre puisqu’il refuse, par principe, toute concession territoriale et contient suffisamment de mesures répulsives, du point de vue de Moscou, pour s’assurer de son refus.

Pour le comprendre, il faut revenir au mois de novembre dernier. À cette époque, l’administration Biden avait demandé à Zelensky, qui quelques mois auparavant avait publié un décret rendant impossible toute négociation avec Vladimir Poutine, de se montrer officiellement plus conciliant afin d’aider les États-Unis à maintenir à flot la coalition pro-ukrainienne. « La fatigue de l’Ukraine est une réalité pour certains de nos partenaires », avait alors confié, au Washington Post, un responsable américain. On peut donc considérer que le « plan de paix » ukrainien, qui n’ouvre la porte à aucune négociation sérieuse, a surtout pour but de s’assurer du soutien des Occidentaux pour maintenir leur effort… de guerre. C’est pourtant ce plan que soutient le Président français.

Quant à faire venir avec lui Ursula von der Leyen, on peut dire qu’il s’agit là d’une autre idée lumineuse. Même des journaux comme Libération s’inquiètent de son alignement sur Washington qui la pousse à enrôler l’Union européenne « dans la croisade américaine contre la Chine ». Le journal français n’est d’ailleurs pas le seul à suggérer que sa sujétion pourrait s’expliquer par sa possible prochaine candidature au poste de secrétaire général de l’OTAN.

Entre la navigation à vue d’Emmanuel Macron et la détermination de la présidente de la Commission à entrer dans un rapport de force avec Pékin, pas de doute, cette visite en Chine se présente sous les meilleurs auspices pour faire avancer la paix d’un cap à l’autre de l’Eurasie.

Frédéric LASSEZ

Source : Boulevard Voltaire