
Il sera donc le premier ex-président américain à être inculpé dans une affaire pénale. Le 18 mars dernier, Donald Trump avait annoncé son arrestation prochaine par le parquet de New York et appelé ses partisans à se mobiliser pour le soutenir. Prévue trois jours plus tard, d’après ses informations, l’interpellation n’avait pas eu lieu. Depuis lors, le suspense entourant le moment de sa convocation devant le tribunal tenait en haleine médias et politiques anticipant un potentiel séisme dans une Amérique de plus en plus fracturée.
L’information est tombée jeudi dernier : ce sera finalement le 4 avril prochain. Donald Trump devra donc comparaître pour sa mise en accusation et ses contempteurs se délectent déjà à l’idée de le voir subir le traitement imposé à tout justiciable : photo, matricule et relevé d’empreintes digitales. Certains rêveraient de le voir enfin menottes aux poignets.
Dans une déclaration, l’ancien président a fustigé les démocrates et la gauche radicale, dénonçant une « persécution politique » et une « chasse aux sorcières pour détruire le mouvement Make America Great Again ».
Il a également rappelé la cabale dont il avait fait l’objet avec le Russiagate. En janvier 2017, quelques jours avant son investiture, un dossier de 35 pages avait été publié, accusant Trump de collusion avec le Kremlin pour emporter les élections. Là encore, des détails salaces avaient été distillés. Il était question d’une sextape mettant en scène les parties de jambes en l’air du milliardaire avec des prostituées dans une chambre d’hôtel de Moscou.
C’était, en réalité, un dossier bidon monté par un ancien agent du MI6 anglais, Christopher Steele, à l’instigation de membres du Parti démocrate. Comme l’avait reconnu CNN en 2021, l’argent de la campagne présidentielle de Hillary Clinton avait servi à financer cette opération. Les démocrates impliqués ne s’étaient pas contentés de payer, ils avaient eux-mêmes fourni de fausses informations. En 2019, le procureur spécial Robert Mueller avait conclu, après deux ans d’enquête, à l’absence de preuves concernant une conspiration des membres de la campagne de Trump avec le gouvernement russe.
La presse progressiste qui, aujourd’hui, de part et d’autre de l’Atlantique, se rengorge depuis l’annonce de son inculpation et lui fait la leçon en dénonçant son complotisme et son mépris de la justice, se garde bien de mentionner cette intrigue à laquelle elle avait pourtant largement contribué en diffusant allègrement de fausses informations. Les partisans de l’ancien président, eux, n’ont pas oublié. Pour ce qui concerne les « affaires » dont Trump fait l’objet, il y a un passé et un passif.
Or, l’affaire Stormy Daniels, comme nous l’évoquions récemment, a de quoi alimenter les soupçons des fidèles de Trump. Il y a, bien entendu, le profil du procureur de Manhattan qui ne risque pas de leur inspirer un sentiment de neutralité. Alvin Bragg, élu démocrate, a bénéficié, pour sa campagne, de financements venus d’une organisation, Color of Change, faisant la promotion d’un wokisme racialiste et soutenant des procureurs libéraux. Cette association a reçu par ailleurs un don de un million de dollars en 2021 du milliardaire George Soros.
Mais c’est surtout l’argumentaire juridique d’Alvin Bragg qui inquiète jusqu’aux détracteurs de Trump. « La communauté juridique américaine ne cache pas ses doutes sur la solidité du dossier, mesurant les conséquences qu’aurait une affaire mal ficelée », notait Le Figaro, le 31 mars dernier, dans un article qui énumérait un nombre conséquent de points juridiques contestables.
Il faut en effet reconnaître que pour arriver à ses fins, le procureur de New York a dû faire preuve d’« audace », pour ne pas dire d’imagination, afin de transformer un délit mineur déjà prescrit en un crime passible de quatre ans de prison.
L’affaire du versement présumé par un avocat de Trump d’une somme de 130.000 dollars afin d’acheter le silence d’une actrice de films porno, avec lequel l’ancien président aurait eu une liaison, est passée du stade de soupçons de falsifications de documents commerciaux à une malversation ayant eu pour objectif d’influencer l’élection présidentielle.
Aux États-Unis, de nombreux commentateurs mesurent les conséquences politiques d’une procédure qui finirait par s’écrouler comme un château de cartes. Le 26 mars dernier, un chroniqueur du New York Times, qui décrivait pourtant Trump comme un « homme corrompu », reconnaissait néanmoins qu’il devait « bénéficier de ni plus ni moins de protection juridique que n’importe lequel d’entre nous » et qu’à aucun moment, il ne devait risquer de perdre sa liberté à l’occasion d’une affaire judiciaire ayant nécessité autant d’« acrobaties ».
En 2019, quand le rapport Mueller avait fait tomber la campagne de calomnie du Russiagate et la procédure judiciaire qui l’accompagnait, Jean-Éric Branaa, universitaire spécialiste de la politique américaine, interviewé par 20 Minutes, avait fait ce commentaire : « Sur le plan politique, c’est du petit-lait. Depuis des années, il dit qu’il y a une vraie chasse aux sorcières contre lui ; aujourd’hui, il peut arguer qu’il avait raison. »
Si, demain, le procureur de Manhattan finissait par se prendre les pieds dans le tapis de son montage juridique discutable, il ne rendrait pas non plus service aux autres poursuites qui menacent actuellement l’ancien président et qui, elles aussi, se couvriraient de l’ombre du soupçon. Sur le plan politique et médiatique, Alvin Bragg peut cependant déjà se vanter d’une première performance : il a replacé Trump au centre du jeu. Au grand désespoir de ses challengers républicains pour l’investiture du parti.
Frédéric LASSEZ