Mickey et son royaume enchanté de plus en plus woke n’auraient pas dû défier le gouverneur de Floride. « Il y a de nouveau un shérif en ville », proclamait Ron DeSantis, le 27 février dernier, alors qu’il signait une loi mettant fin au statut spécial dont bénéficiait Disney dans son État depuis 1967. Une quasi-extraterritorialité qui permettait au leader mondial du divertissement familial de profiter d’avantages fiscaux et de gouverner le domaine du parc d’attractions de Disneyworld, près d’Orlando, comme il l’entendait. « Aujourd’hui, le juteux business du royaume enchanté touche enfin à sa fin », annonçait le gouverneur républicain qui reproche à Disney d’endoctriner les enfants en cherchant à leur imposer une idéologie progressiste « éveillée ».

Les relations entre DeSantis et le groupe de divertissement se sont dégradées lorsque son ancien PDG, Bob Chapek, a dénoncé publiquement une loi sur les droits parentaux dans l’éducation promulguée en mars 2022 par le Sénat de Floride qui visait à empêcher les enseignants d’évoquer l’identité de genre et l’orientation sexuelle « d’une façon inappropriée pour l’âge ou le développement des élèves », dans les classes de maternelles et jusqu’au CE2. Le texte de loi indiquait vouloir « renforcer le droit fondamental des parents à prendre des décisions concernant l’éducation et le contrôle de leurs enfants ».

À l’époque, Joe Biden avait immédiatement qualifié de « haineux » ce projet de loi surnommé « Don’t say gay » (« Ne dites pas gay ») par les militants LGBTQ et la gauche américaine. Le groupe Disney avait lui aussi surfé sur la vague de l’indignation politiquement correcte et publié un communiqué de presse qui affirmait que cette loi « n’aurait jamais dû être signée » et que son objectif désormais, « en tant qu’entreprise », était qu’elle soit « abrogée par le législateur ou annulée par les tribunaux ». Un défi lancé au gouverneur de Floride que Disney paye aujourd’hui.

Il est vrai que Ron DeSantis, principal rival de Trump dans la course à l’investiture du parti républicain, a fait de l’élimination de « l’endoctrinement woke » un des principaux axes de son programme, ce qui fait de lui la cible de la gauche progressiste qui s’effraie de le voir faire des émules dans d’autres États qui, à leur tour, se mettent à légiférer pour freiner l’épidémie de wokisme qui sévit aux États-Unis.

Début février, le Washington Post relayait les lamentations des associations militantes qui dénonçaient des dizaines de propositions de loi « copie conforme » de celle promulguée en Floride et considérées comme autant de « tentatives d’étouffer la créativité et la liberté académique dans l’éducation ». Ce à quoi Jeremy Redfern, l’attaché de presse de DeSantis, avait répondu : « Nous sommes fiers d’être un modèle pour la nation et un îlot de santé mentale dans une mer de folie. »

Lors de sa réélection triomphale, l’année dernière, le gouverneur de Floride n’avait, lui non plus, pas mâché ses mots, affirmant que son État était l’endroit où le wokisme allait mourir. Dans cette perspective, difficile de ne pas s’opposer à Disney devenu, ces dernières années, l’un des plus importants diffuseurs de la théorie du genre et de la théorie critique de la race.

Une dérive idéologique qui passe par la censure avec, en 2021, des classiques comme Peter PanLe Livre de la jungle ou Les Aristochats, rendus inaccessibles aux enfants sur la plate-forme Disney+ car diffusant des « stéréotypes » ou un « traitement négatif des personnes ou des cultures ». Disney s’engageait à l’époque à créer des histoires « sur des thèmes inspirants et ambitieux » reflétant « la formidable diversité de la richesse culturelle et humaine à travers le monde ».

L’année suivante, dans une vidéo interne, Karey Burke, la présidente du groupe qui se présentait comme « mère de deux enfants queer, un transgenre et un pansexuel », indiquait que désormais Disney devait s’orienter vers un quota de 50 % de personnages LGBT et issus des minorités raciales pour ses rôles principaux et ses productions.

Et, en effet, on ne compte plus désormais les contenus polémiques s’adressant aux plus jeunes. Récemment, un épisode du dessin animé The Proud Family a été critiqué pour avoir mis en scène des personnages chantant un air sur le thème du racisme systémique : « Les esclaves ont construit ce pays et nous, les descendants d’esclaves en Amérique, avons gagné des droits à réparation pour leurs souffrances et continuons à gagner des droits à réparation à chaque instant où nous subissons un préjugé systémique, le racisme et la suprématie blanche avec lesquels l’Amérique a été fondée et qu’elle n’a toujours pas expiés. »

Dans ce contexte de « guerre culturelle », on reconnaîtra à Ron DeSantis, et aux nombreux élus républicains qui partagent son combat contre la révolution en cours, le courage de s’exposer. En France, en dehors d’une minorité conservatrice, la droite semble surtout pratiquer l’art de l’esquive, quand elle n’accompagne pas carrément le mouvement.

Frédéric LASSEZ

Source : Boulevard Voltaire