Le 8 septembre dernier, évoquant les récents succès de son armée, Volodymyr Zelensky reconnaissait sa dette à l’égard de Washington. « Nous n’aurions pas pu reprendre ces territoires sans l’aide des États-Unis »déclarait-il devant le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, en déplacement à Kiev.

Une dépendance qui suppose, pour Zelensky et ses appuis occidentaux, de mener une autre guerre parallèle dont l’objectif est de maintenir les opinions publiques américaine et européenne mobilisées et convaincues que les choix de leurs dirigeants sont les bons. La guerre de l’information constitue, en effet, un enjeu primordial car c’est elle qui conditionne la possibilité, pour Kiev, de continuer à recevoir des milliards d’aide ainsi que l’armement et l’assistance des pays de l’OTAN. Sans l’appui des Occidentaux, impossible de poursuivre les combats. Raison pour laquelle, depuis le début du conflit, Volodymyr Zelensky multiplie les opérations de communication.

Or, l’évolution du contexte, ces dernières semaines, commençait à fragiliser dangereusement la position de Kiev. Une situation figée sur le front associée aux conséquences du choc énergétique, qui se font ressentir de plus en plus durement, conduisait au risque de voir les opinions publiques remettre en question les politiques de soutien inconditionnel menées jusque-là. La chute de Mario Draghi en Italie comme les récentes manifestations à Prague n’étaient-elles pas les signes avant-coureurs d’un « hiver de colère » menaçant l’ensemble des dirigeants occidentaux ?

Le Washington Post, le 7 septembre dernier, avait parfaitement résumé l’enjeu : « Kiev espère que la contre-offensive de Kherson remontera le moral national et démontrera aux gouvernements occidentaux que leurs milliards de dollars d’aide économique et militaire portent leurs fruits, alors même que les sanctions contre la Russie ont fait grimper les prix de l’énergie et l’inflation et accru les craintes d’un hiver encore plus cher. » Une contre-offensive couronnée de succès représentait donc une nécessité impérieuse avant l’hiver. Les opérations militaires sur le terrain sont ainsi indéfectiblement liées à la guerre de l’information qui cible les opinions publiques occidentales.

Les gains territoriaux obtenus finalement dans la région de Kharkov ont permis aux médias de justifier la poursuite de la guerre et la nécessité de maintenir une aide occidentale massive « quoi qu’il en coûte ».

La crainte demeure néanmoins du côté de Washington et de Kiev de voir l’Europe perdre son unanimité en raison de l’accès au pouvoir, du fait de la crise économique et sociale, de partis politiques susceptibles de remettre en question l’alignement des pays européens sur les positions bellicistes atlantistes. Les articles se sont multipliés dans la presse occidentale, ces dernières semaines, pour alerter sur les risques d’une déferlante populiste en Europe qui serait la conséquence d’un plan de subversion russe. L’« extrême droite » étant alors désignée comme l’ennemi intérieur dont il faut traquer les activistes et démasquer les complots pro-Poutine.

Le 13 septembre dernier, les médias américains ont annoncé avoir obtenu des informations d’un haut responsable de l’administration Biden d’après lesquelles les services de renseignement américain avaient réuni les preuves d’une campagne secrète de Moscou destinée à financer des partis politiques étrangers et des candidats dans de nombreux pays depuis 2014. Le haut responsable avertissait que la Russie avait l’intention de prochainement renforcer son influence afin de saper la politique de sanctions prises contre elle. Quelques jours plus tôt, lors d’une conférence, Volodymyr Zelensky avait insisté sur le fait que les trois prochains mois seraient décisifs et qu’il fallait agir « sur l’environnement médiatique mondial » en s’opposant à l’influence russe.

On comprend alors que le maintien des opinions publiques occidentales dans des dispositions atlantistes et l’opposition aux partis politiques réclamant un positionnement non aligné sur Washington constituent un enjeu prioritaire. Toute tentative d’approche critique est immédiatement présentée comme relevant de la propagande poutinienne.

Dans cette guerre de l’information, les Russes ne sont manifestement pas les seuls à vouloir intensifier leur politique d’influence.

Frédéric LASSEZ

Source : article paru sur Boulevard Voltaire