Une grenouille vit un ours russe
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Et qui des grenouilles voulait être une seconde fois président.
Envieuse, elle s’étend, s’enfle, et se travaille
Quoi de mieux pour égaler l’animal en grosseur qu’une stature internationale, se dit le rusé batracien ?
A quelques semaines des élections, voilà qui arrondirait considérablement mes proportions.
De Moscou, alors, prenons le chemin.
Et c’est ainsi que la grenouille se retrouva au Kremlin
L’ours brun, qui paraissait sans malice, au bout d’une grande table l’installa.
La grenouille exulta et, sans attendre, pendant des heures pérora.
L’ours, en silence, l’observait.


Cette réserve, la grenouille, pour de l’acquiescement l’interpréta.
Elle enfla ainsi à vue d’œil mais l’ours, habile stratège, pas un mot n’exprima.
Gonflée d’autosatisfaction à l’idée du succès auquel son nom, de Lisbonne à Vladivostok, serait bientôt associé, chez elle s’en retourna.
Au royaume des grenouilles, les flatteurs célébrèrent les louanges de celle qui avait partagé la table des grands et, sans trembler, l’ours brun sermonné.
Du belliqueux animal, elle assurait avoir arraché, la promesse qu’à l’Ukraine, aucun mal ne ferait.
Elle riait de l’avoir si facilement amadoué et, ne cessant de se vanter, voyait sa taille dangereusement augmenter.
L’ours, pendant ce temps-là, s’apprêtait à frapper.
Il se gaussait en secret de l’arrogant batracien qu’il avait manipulé l’air de rien.
Un soir de février, alors que la grenouille toute bouffie, au coin du feu dans son château sommeillait, un conseiller se présenta.
La mine grave, la mauvaise nouvelle annonça : le royaume d’Ukraine était envahi d’ours bruns.
La chétive pécore s’empourpra et, se voyant dupée, de colère s’enfla si bien qu’elle creva.
Alors qu’approchent les élections, souhaitons que sur cette leçon les grenouilles méditeront.
Ainsi, dans le secret de l’isoloir, de l’orgueilleux se défieront.

Frédéric LASSEZ